« [...] Les anges espions rapportent à leur façon, les archanges interprètent à leur tour. Gabriel doit rendre compte :
- Tu nous dis que les humains sont dociles ? se réjouit Elohim.
Gabriel essaie de nuancer. Chacun entend comme il est :
- Ils veulent connaître qui est Dieu avant de négocier…
- « Négocier » ? s’interroge Wāw.
- Chercher à obtenir autant qu’ils donneront, traduit le Messager.
C’est le silence. Cette pratique matérielle ne peut pas être appréhendée par les esprits. Hē réagit mollement :
- Mais… que veulent-ils qu’on leur donne ?
- … La Connaissance, hésite Gabriel, toujours prosterné.
Elohim gronde, des éclairs se forment dans l’univers, les eaux grommellent sur Terre, et le ciel se couvre de nuées noires :
- La Connaissance ?!! Ils veulent La Connaissance !! Mais je vais détruire ces animaux orgueilleux !!
Les autres ne mouftent pas. On a l’habitude des colères d’Elohim, elles explosent de plus en plus souvent.
- Peut-être… s’insère Śātān.
- Peut-être… ?? lui demande Yōd.
- Peut-être faudrait-il leur donner un peu de Connaissance, pour qu’ils croient en notre bonne foi, s’enhardit Śātān.
- Et tu penses que nous obtiendrions quelque chose d’eux en échange ? cogite l’Esprit le plus malin. « Donner pour recevoir », c’est cela ?
- Oui, c’est cela, mon Maître. Je crois que c’est cela que les hommes appellent « négocier ». Qu’en penses-tu, Gabriel ?
- Je pense aussi que c’est cela, analyse l’archange. Nous leurs donnons, ils ont confiance, ils nous donnent.
- Mais non, coupe Elohim. Que pourraient-ils nous donner qui vaille La Connaissance ?
- Pas « La Connaissance », seulement des minuscules raclures de Connaissance, rit Wāw, content de son bon mot humain.
- Mais, mes Maîtres, que pourrions-nous enseigner à ces animaux, qui ne risque pas de semer le chaos dans l’univers ?
- Je m’en charge, se propose Śātān. Le jeu est lancé, et peu importe le chaos.
Yōd rit à son tour. Décidément, cet esprit inférieur sait faire profit de tout :
- Oui, Śātān, occupe-toi des hommes et de leurs désirs… [...] »